Morik’o qui était posée sur son rondin de bois, se releva et alla attraper deux bûches avant de les jeter dans le Moto (feu). Elle jeta un coup d’œil autour d’elle, tout le monde semblait dormir paisiblement, même les bruits diurnes avaient cédés la place à un quasi silence total. Elle inclina la tête sur le côté, concentrant son sens auditif, le sensibilisant à ce qui l’entourait : quelques bruits de brindilles craquant sous les pas des animaux, une eau se mouvant tranquillement dans le lit de la rivière, quelques volatiles nocturnes hululant sous la lumière des trois Lunes, cherchant sûrement quelques rongeurs à attraper, du bout de leurs griffes acérées. Elle esquissa un sourire, se plaisant à imager cette scène en tête, tout en contemplant les flammes danser dans un rythme lent. Pour cette nuit, il y avait assez de bois, cela pouvait tenir jusqu’au petit matin.
La Shamane se retourna et commença à se diriger vers le tableau afin de laisser un message indiquant sa position. Elle attrapa un caillou blanc puis commença à esquisser quelque chose qui ressemblait à Nyoka. Elle indiqua ensuite son identité en reproduisant l’un des symboles de ses peintures de guerre puis reposa la pierre au sol contemplant son « œuvre ». Moué, pas terrible, elle n’était pas bonne artiste dans l’âme la petite Momo. Elle se dirigea enfin vers la sortie, franchissant les portes une à une puis traversa la jungle en direction du bord de la rivière. Elle sauta sur sa pirogue, saisit ses rames et partit, essayant de faire le moins de bruit possible.
Morik’o aperçu enfin le port de Nyoka. Elle alla placer sa pirogue dans un coin de sorte que personne ne puisse soupçonner la présence d’une mamba sur le territoire des Nyeupes. Elle descendit et posa enfin ses pieds sur la terre ferme et lâcha un long soupir. Instinctivement, elle renifla l’air, à la recherche d’une odeur humaine, mais rien. Un calme plat, presque inquiétant, pas âme qui vive dans les environs. Les Nyokiens avaient-ils fêté quelque chose au point d’en terminer bourrés, se pouvaient-ils qu’ils se soient effondrés sous les effets de la chaleur, ou bien qu’ils aient succombés tout simplement lors d’une guerre ? Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres à l’idée de voir un champ de cadavres surmonter les plaines de la cité ! Mais ceci, n’était qu’un rêve… Cette triste réalité la rattrapa lorsqu’elle se retrouva devant les portes de la ville. Tout semblait en ordre, trop même ! Momo allait devoir remédier à cela en faisant une farce peut-être… Une blague, oui, mais laquelle ! Elle réfléchit longuement, ne trouvant aucune solution. Soupir, long soupir !
Alors qu’elle allait rebrousser chemin, elle vit au port un navire arriver. Vu le drapeau, il ne pouvait qu’être marchand. Elle se rapprocha, discrètement, masquant sa silhouette derrière les arbres ou les feuillages épais et se tint là, patiente, observant le bateau accoster. Lorsque l’ancre fut jetée, elle vit les hommes commencer à s’affairer énergiquement, commençant le déchargement de la cargaison. Tiens donc ! Quel était ce bruit qu’elle entendait, ce tumulte qui résonnait à l’intérieur du navire. Elle se rapprocha encore, toujours invisible aux yeux des voyageurs. Des meuglements ?! Sûrement un troupeau animal à livrer quelque part ! Son visage s’éclaira soudain ! Mais en voilà une idée de farce à faire ! Elle repartit jusqu’aux portes et sortit un crochet ainsi qu’un couteau de son petit sac. Toujours utile pour crocheter ces outils et c’est ce qu’elle allait faire d’ailleurs ! Elle inséra la pointe de la dague dans la serrure, ainsi que le crochet et commença à œuvrer tranquillement, sans stress, puisque tout le monde était occupé ou bien plongé dans un sommeil profond. Elle rapprocha son oreille et écouta attentivement le bruit, se concentrant comme elle pouvait sur ce forçage. Cliquetis final ! Première porte ouverte. Elle repoussa la porte derrière elle sans la fermer totalement puis décida de s’attaquer à la deuxième serrure, celle de la grille. Même chose ! Cliquetis final ! Ouverture ! Elle fit claquer sa langue contre son palais satisfaite. Il n’y avait plus qu’à trouver le moyen de sortir les animaux du bateau sans que les marchands ne la repère ! Dur labeur là !
Momo revint se positionner près du navire marchand, observant les petites choses humaines qui bougeaient toujours activement. Heureusement qu’il faisait nuit tout de même ! Elle alla glisser son corps dans l’eau et se mit à nager silencieusement vers la coque. L’ancre était jetée, il y avait juste à remonter la chaîne pour se retrouver directement à l’intérieur. Elle rebondit sur le plancher comme un larl rebondirait avec ses pattes de velours, griffes rangées et alla se cacher directement derrière un tas de caissettes de bois. Elle passa la tête, surveillant le passage des hommes. Aucun d’entre eux ne l’avait grillé. Elle pouvait continuer. Elle ramassa une cape laissée sur un coffre et s’en revêtit. Cela lui permettrait de bouger incognito, du moins, elle l’espérait. Elle sortit de son trou et lentement, mais sûrement commença à inspecter le navire, cherchant l’endroit d’où provenait les bruits animaliers. A l’intérieur, sûrement, sous ses pieds ! Mais biensûr ! Pourquoi n’y avait-elle pas songé plus tôt !
Morik’o continua de traverser le peuple du bateau, cherchant le point d’entrée vers la cale et elle s’arrêta net lorsqu’elle trouva celui-ci ! Ha fort bien ! La passerelle était déjà installée, donc ils devaient livrer du bétail dans cette cité ! Elle pénétra à l’intérieur comme si de rien était : Des Bosks ! Par tous les esprits ! C’était des Bosks sauvages ! Enormes ! Elle écarquilla les yeux et… Ouf… heureusement que Momo portait odeur du Schendi ! Elle pouvait sans mal se confondre parmi la faune ! Elle observa un long moment le troupeau, il y en avait quoi, vingt ou trente ! Nouveau sourire carnassier… Mais qui était le meneur parmi ce troupeau ! Ha tiens, celui-là semblait l’être, les autres le suivaient dès qu’il bougeait. Elle alla se placer au fond de la cale et se hissa sur une caissette. L’aube pointait, il fallait faire vite, les premières lueurs du jour traversaient le pays et le bateau par la même occasion. Elle attrapa son lance caillasse, qu’elle avait pris soin de fabriquer de ses propres mains et sur lequel elle s’était entrainée des jours durant, puis prit un caillou dans une de ses petites besaces. Enfin, elle arma le lance pierre et pointa en direction du meneur, la langue sortie en coin de bouche car concentrée. 1… 2… 3 ! Chtoc ! Le caillou alla directement se loger dans l’arrière train du Bosk ! L’effet fût immédiat. Ce dernier paniqua et tout le remue-ménage commençait. L’agitation était à son summum ! Les bêtes cherchaient à s’enfuir et certains commencèrent à prendre instinctivement la passerelle afin de remonter en haut ! Momo n’avait plus qu’à attendre patiemment que le meneur fasse le reste !
Les cris des marchands résonnèrent du haut vers le bas du bateau et la Shamane était toujours dans la cale ! Le plancher au-dessus de sa tête vibrait sous l’effet des sabots des Bosks. Mais là, personne ne pouvait rien faire ! Le troupeau était en alerte et dangereux. Leur corne pouvait faire bien du mal et les hommes préféraient sauter à l’eau plutôt que de finir embroché. Momo riait intérieurement ! Ça devait être beau à voir ! Elle entendit un des Hommes crier « Ils descendent, ils sont à terre ! ». Ca y ai, elle pouvait enfin sortir tranquillement. Elle se faufila rapidement vers la sortie, balança la cape qui l’avait masqué auparavant et couru juste avant de sauter hors du bateau, suivant les bêtes ! Elle entendit un des hommes hurler « Etrangère à bord ! Mamba ou Panther ! C’est elle ! C’est elle ! » mais Momo, était déjà loin !
Morik’o se tenait assez près du troupeau, elle s’était volontairement roulée dans la terre et avait frotté son corps avec des feuilles pour cacher son odeur. Ils étaient juste devant la porte de la cité, ne restait plus qu’à les y faire rentrer et pour ça Momo avait déjà prévu le truc ! Les portes étaient restés grandes ouvertes et personnes n’avait visiblement remarqué cela à l’intérieur de la cité ! Elle reprit son lance caillasse et fit un nouveau tir ! Nouveau chamboulement ! Ca y ai ! Quelques uns rentraient , les autres suivaient ! Parfait, le tour était joué ! Elle laissa échapper un grand éclat de rire s’imaginant déjà la bouille des Nyeupes à leur réveil ! Une cité dévastée ! Des coups de cornes ! Du Damu coulerait, c’était certain ! Elle descendit de son arbre ou elle s’était hissée, quelques temps plus tôt, (Beh oui, hein, c’est que Momo est prévoyante, elle n’avait pas l’envie de se faire embrocher !) puis repartie vers le port, d’humeur plus joyeuse !
Morik’o observa les quais. Le bateau était toujours là, les hommes étaient sortis de l’eau et s’agitaient dans tous les sens pour… reranger leur marchandise ?! C’était une blague ? Ils fuyaient de peur de finir en cage pour ne point avoir été attentif ! Elle rit intérieurement ! Sacrés Nyeupes ! Qu’ils peuvent être bêtes ! Après un long moment, elle vit l’ancre jaillir hors de l’eau, ils repartaient ! Elle attendit de voir le navire assez loin pour sortir de sa cachette et courut sauter dans sa pirogue ! Direction la Casa ! Momo allait en avoir à raconter des choses à certains. Elle espérait juste que la blague ferait rire quelques uns/unes de la Pakiti.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire